Tribune de Vincennes – octobre 2022 : De quelle sobriété parlons-nous ?
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Dans un climat d’inquiétude pour notre approvisionnement en énergie, nous avons entendu ces derniers mois de nombreux appels à la sobriété. Le terme était pourtant largement absent des discours politiques, plutôt renvoyé au camp des « Amish » et à leur lampe à huile. Des patrons de Total, EDF et Engie au président Macron, tous se sont récemment évertué à promouvoir la sobriété, le plus souvent entendue comme l’impact des comportements individuels sur notre consommation nationale.

Mais qu’est-ce que la sobriété ? Elle implique avant tout un questionnement du besoin. Elle est à bien distinguer de l’efficacité, qui consiste à utiliser un système plus efficace pour obtenir le même service : la sobriété questionne la pertinence même du service apporté. Ainsi, mieux vaut nous interroger sur la température de consigne dans notre logement (sobriété), avant même d’envisager une rénovation thermique de l’immeuble (efficacité).

Mais attention cependant à ne pas tout ramener au pouvoir (ou l’échec) de l’individu : en pointant du doigt les leviers individuels, nous n’apportons qu’une réponse très partielle et terriblement moralisante à l’enjeu global. La sobriété n’est pas uniquement une question de choix personnels, elle s’applique à l’ensemble des choix collectifs, qu’ils soient immobiliers, économiques ou politiques.

Un exemple proche de nous

Pendant que Madame la Maire offrait aux enfants de la ville une règle issue du recyclage de masques covid, se gargarisant dans son courrier que ce geste de recyclage « préserve la planète », un choix tout à fait inverse est fait pour un sujet d’une toute autre ampleur : le centre sportif et culturel Georges Pompidou sera lourdement transformé.

Les professionnels de la ville sont aujourd’hui unanimes : la sobriété en construction exige que le besoin de construire soit questionné, et que soit privilégiée l’intervention la plus sobre sur l’existant, valorisant le déjà-là. Côté programme : est-il vraiment nécessaire d’augmenter la capacité des tribunes du gymnase au nom du E-sport, qui peut s’organiser facilement dans de nombreuses salles existantes ? Avons-nous vraiment besoin d’une salle de spectacle dont l’ampleur semble surtout flatter l’égo de ses commanditaires, alors qu’on pouvait cibler le confort et l’adaptabilité de la salle par la rénovation des gradins et l’extension tactique de la scène ?

De nombreux éléments du projet nous interrogent. Le projet architectural répond à un programme boursouflé, même s’il le fait avec une certaine sincérité. Notons tout de même que la végétation que l’on observe sur les perspectives du projet lauréat, forcément séduisantes, ont besoin d’une épaisseur de terre conséquente, qu’il semble difficile d’apporter sur l’ensemble de la toiture sans un renforcement massif de la structure existante, et que les vastes coursives vides ne constituent pas en elles-mêmes un tiers lieu, mais simplement des espaces non programmés, dont on peut douter de l’appropriation à bon escient. Enfin pas de trace de bioclimatisme, mais plutôt de rutilantes façades totalement vitrées sur 2 étages plein Sud, ni de matériaux renouvelables tels que le bois : le béton semble le matériau roi de ce projet, à l’image de son ancêtre de 1975.

C’est a minima 5 000T de CO2, selon les ratios de l’ADEME, qui seront émises par ce chantier. Si le projet met en avant une faible consommation énergétique, il faudra des dizaines d’années pour amortir cette dette carbone, et commencer à faire mieux que l’existant. À moins qu’à ce moment-là, il ne faille à nouveau investir dans de nouveaux travaux…

Top du mois : Saluons le grand retour du festival America et l’œuvre magnifique sur un pan de mur de la librairie Millepages des artistes américains Logan Hicks et Joe Iurato !

Flop du mois : Le lancement de la concertation pour une piste cyclable sécurisée et le réaménagement des trottoirs de l’avenue de Paris n’est toujours pas annoncé. De source sûre, les travaux commenceraient à la Saint Glinglin…